Entrepreneuriat, prise de risque, excellence et huile d’olive: Trends-Tendances a réuni Eric Domb et Patrick Bruel

© Frédéric Sierakowski (Isopix)

L’un enflamme les scènes et les ondes radio. L’autre cultive le calme et la douceur dans son parc à une heure de Bruxelles. Mais tous les deux sont passionnés et partagent le goût de l’excellence dans le travail. A l’initiative de “Trends-Tendances”, Eric Domb et Patrick Bruel se sont retrouvés autour de la même table.

Difficile de passer à côté du retour de l’interprète de Casser la Voix. Le nouvel album de Patrick Bruel, Ce soir on sort, prend d’ores et déjà le chemin de la réussite. Une constante pour ce touche-à-tout (chanson, cinéma, poker, etc.) qui transforme en or presque tout ce qu’il entreprend. A l’occasion de la promo de ce nouvel opus et pour annoncer ses dates de tournées 2019, Patrick Bruel était de passage à Bruxelles. Ses prises de risque musicales, ses prises de position sociétales sur son album n’ont pas laissé Eric Domb indifférent, lui qui a réussi à imposer un parc animalier au milieu de nulle part et qui n’hésite pas à reconstituer des territoires authentiques au coeur de Brugelette. Au menu de cette rencontre improbable à L’Ecailler du Palais Royal ? Musique, entrepreneuriat, passion, peur de vieillir et huile d’olive.

Le public nous a fait le cadeau de nous laisser entrer dans son coeur. Mais ce n’est pas un acquis, c’est un prêt renouvelable.” Patrick Bruel

ERIC DOMB. Je suis enchanté de vous rencontrer car nous sommes nés à peu près au même moment et nous partageons une passion commune pour les chanteurs en ” B ” : Barbara, Brassens, Brel, Béart, et je peux continuer la liste… C’est une coïncidence qui me fait sourire.

PATRICK BRUEL. Ce sont les chanteurs qui m’ont donné envie. Quand j’ai enregistré mon album autour de Barbara, le projet initial était de faire un disque sur ” les trois B ” : Brassens, Brel, Barbara. On pensait préparer un album d’une quinzaine de chansons. Mais ne retenir que cinq chansons de Barbara ou que cinq chansons de Brel était impossible. J’ai dû faire un choix, difficile…

TRENDS-TENDANCES. Patrick, connaissez-vous le parc Pairi Daiza ?

P.B. J’en ai entendu parler. En tout cas depuis que je sais qu’on se rencontre mais avant cela, non, je ne le connaissais pas.

Votre nouveau single s’intitule “Tout recommencer”. Après une carrière comme la vôtre, avez-vous vraiment l’impression de devoir tout recommencer à la sortie d’un nouvel album ? De repartir d’une page blanche, à chaque fois ?

P.B. Pas tout à fait. Barbara disait : ” On ne continue pas sa vie, on la recommence “. Je trouve qu’elle résume très bien ce que je dis. Recommencer d’une page blanche voudrait dire effacer tout ce qu’on a fait avant. Jamais de la vie ! Au contraire : chaque jour, on recommence une nouvelle étape à partir de ce qu’on a déjà fait. Je reviens dans ce restaurant pour la troisième ou quatrième fois et ça ne s’est jamais passé comme aujourd’hui. Avec cet album, je remets le titre en jeu, je re-propose quelque chose sans aucune certitude : on arrive avec de nouvelles chansons, de nouvelles propositions…

E.D. Tout à fait, quand je crée un nouveau jardin à Pairi Daiza, c’est la même chose : chaque jardin est unique parce qu’il bénéficie de l’expérience acquise par la création des précédents.

P.B. Evidemment, vous avez vos bagages ! Dans chaque nouveau projet, on vient avec nos bagages. Dans mon nouvel album, on retrouve d’abord les six ans qui viennent de s’écouler dont on ne peut pas sortir indemne. D’où les chansons sociétales de cet album. Mais il intègre aussi 40 années de bagages…

Que voulez-vous dire par “remettre le titre en jeu” ?

P.B. Nous sommes, tous les deux, dans une position privilégiée : le public nous a fait le cadeau de nous laisser entrer dans son coeur. Mais ce n’est pas un acquis, c’est un prêt renouvelable. D’autres entreprises arrivent et font d’autres ” prêts “. Mais encore une fois, on a des bagages. C’est ce qui fait que quand j’ouvre les locations de Forest National, une date peut se remplir en deux heures. Après, il faut être à la hauteur ! Le spectacle qui arrive doit être aussi fort que celui qu’on a fait avant, tout en respectant nos codes. Parce qu’on a des codes : certaines chansons sont incontournables, on n’a pas le droit de ne pas les interpréter. C’est pareil quand vous créez un jardin, pas vrai ?

E.D. Bien entendu ! Mais vous êtes un artiste, moi je suis un artisan. La différence que je fais entre les deux c’est que, pour réussir, l’artiste a dû beaucoup travailler, avoir sans doute un peu de chance, faire des rencontres mais, surtout, il a du talent. L’artisan, lui, est capable de remplacer le talent propre par celui de son entourage, par le travail et la passion. La passion étant évidemment ce qui réunit l’artiste et l’artisan.

P.B. Je vous arrête : pour moi, c’est exactement la même chose. L’artisan a du talent ! L’artisan ne peut pas remplacer le talent. Il a le talent et le fait éclater, briller, polir par son entourage. L’artiste c’est pareil : il écrit ses chansons, mais il a besoin d’un entourage, d’un studio, d’un arrangeur, d’un réalisateur. Le chanteur aura un auteur-compositeur. On est tous dans des relations symbiotiques…

E.D. Par rapport au titre Tout recommencer, je voudrais vous poser une question. Pour le parc Pairi Daiza, je n’ai jamais fait d’étude de marché, je me suis toujours satisfait de mon intuition et surtout de l’envie que j’avais de réaliser un jardin particulier. Lorsque vous avez écrit votre nouvel album Ce soir on sort, je n’imagine pas un seul instant que vous vous soyez préoccupé d’écrire des textes et de composer des mélodies en vous demandant si cela correspondrait à ce que le public veut entendre.

P.B. Non, je n’ai jamais fonctionné comme ça. J’aurais pu le faire mais j’ai eu la chance de ne pas avoir besoin de cela car le public m’a suivi dans mes audaces. Il m’en voudrait indirectement de ne pas avoir d’audace. Si j’essayais de le satisfaire avec quelque ingrédient que ce soit, il y aurait un retour de bâton indirect. Il ne s’en rendrait pas compte mais quelque chose n’irait pas. Dans ce nouvel album, ce ne sont pas des sujets réfléchis. Prenez la chanson Mon repère qui aborde la perte de Guy Carcassonne, mon ami, mon frère… Je pensais qu’elle intéresserait peu de gens : sa famille, ses amis, ses étudiants, ceux qui l’ont connu. Et cela m’était égal. Mais elle ressort parmi les chansons préférées des gens parce qu’évidemment, chacun a perdu un être cher. Je suis privilégié, parce que quand j’ai sorti un album sur les années 1930, par exemple, je ne me suis pas demandé si cela allait leur plaire. Je me suis même entendu dire que j’étais dingue et que j’allais foutre ma carrière en l’air, que c’était une ” idée de merde “. J’ai tout entendu. De ma mère jusqu’à ma maison de disques, pas une personne ne m’a suivi.

Le risque est le prix à payer pour arriver à un certain résultat.” Eric Domb

Et cet album ” Entre-deux ” a été un gros carton…

P.B. Voilà. J’ai dit : ” Il y a des gens qui adorent ces chansons donc je vais le faire, et si j’en vends 100.000, ce n’est pas grave ! ” Après 3 millions d’albums, ” l’idée de merde ” est devenue une ” idée de génie “. Mais au fond, c’était surtout une idée du coeur et cela m’a plu de défendre cet album.

On dirait que vous aimez tous les deux vous mettre en danger. Patrick, vous avez chanté les années 1930 et Barbara. Quant à vous, Eric, vous avez lancé votre projet de parc au milieu de “nulle part”. Vous aimez la prise de risques ?

E.D. Alors là, pas du tout. Je n’aime vraiment pas le risque, au contraire, je le fuis. Je n’entreprends pas en me disant que je prends des risques mais je fais les choses que j’aime par passion. Et je considère que le risque est le prix à payer pour arriver à un certain résultat. Surtout, fondamentalement, le plus grand des risques, c’est de ne pas en prendre ! Ce serait la pire des folies de rester à ne rien faire…

P.B. Je ne crois pas que ce qu’on a fait signifie qu’on aime le risque. Plutôt, on considère que c’est ça qui est bien. Les autres prennent cela pour un risque. Mais pas nous ! Nous faisons un choix et nous nous disons que même si peu de gens y adhèrent, ce sera déjà bien. Si vous croyez à fond à votre choix et que vous êtes suivi par le public, comme ce fut le cas avec l’album des années 1930, alors vous avez réussi. L’essentiel est d’être cohérent. Et je crois, sans grands mots, que l’on se sent chacun investi d’une certaine mission.

Entrepreneuriat, prise de risque, excellence et huile d'olive: Trends-Tendances a réuni Eric Domb et Patrick Bruel
© Frédéric Sierakowski (Isopix)

Laquelle ?

P.B. Je crois que notre mission, c’est de faire du bien. Notre point commun, c’est sûrement celui-là. La musique soigne les âmes. C’est ce que Mozart a fait, et continue à faire, avec sa musique. Des études prouvent que les gammes chromatiques de Mozart sont curatives, elles soignent les gens ! Mais entendons-nous bien : on n’a quand même pas non plus inventé un vaccin ! Mais la musique fait du bien.

E.D. D’ailleurs, la musique marche très bien avec les animaux. Au parc, on passe de la musique classique, elle joue un rôle important. Elle épouse votre pas quand vous vous promenez, cela vous plonge dans une sérénité et une réceptivité… qui touche aussi les animaux. Je me souviens que l’on a joué du violon aux éléphants dans le parc et c’était extraordinaire : les femelles battaient parfaitement la mesure.

P.B. Ohhh. J’aurais aimé être là.

E.D. C’était un moment d’une telle douceur. Vous savez, avec le parc, j’ai décidé de naître pour de bon à 32 ans, parce qu’avant j’ai fait plein de bêtises, j’ai poursuivi des études stupides…

P.B. C’est-à-dire ?

E.D. J’ai suivi des études de droit, c’est-à-dire des études qui ne demandent que de la mémoire, mais pas beaucoup d’intelligence. Et puis à un moment, je me suis lâché…

P.B. Désolé de vous interrompre : qu’avez-vous exercé comme métier ?

E.D. J’ai été avocat, je ne savais pas faire autre chose et je le faisais mal en plus.

P.B. Mais pourquoi considérez-vous que vous n’étiez pas un bon avocat ?

E.D. Parce qu’un bon avocat doit être capable d’exprimer très rapidement une motivation efficace dans un texte. J’aime l’écriture, mais je suis un laborieux de l’écriture, Patrick ! Je ne suis pas doué pour cela. Je crois que j’écris bien, mais cela me demande des efforts surhumains. Fondamentalement, je n’aurais jamais dû faire ces études…

P.B. Ah, vous l’avez pris en termes d’études. Alors que l’avocat, c’est sur le plan humain qu’il se distingue. Et là, je pense que vous auriez été un très bon avocat. ( sourire)

E.D. En fait, j’ai voulu faire plaisir à mes parents; alors que je n’étais pas adapté au monde judiciaire. Donc je suis né à 32 ans, lorsque j’ai finalement décidé d’arrêter tout ce que j’avais fait jusque-là pour créer ce jardin, Paradisio, dans une ancienne abbaye, à une heure de Bruxelles. Et, là, j’ai le sentiment que nous avons une ressemblance sur ce point parce que l’abbaye dans laquelle j’ai créé ce jardin a simplement pour objectif de rassembler des merveilles du monde et de réenchanter les gens. Finalement, ce monde est une machine à désespérer alors que l’homme est aussi capable de faire des choses extraordinaires.

P.B. Quelle était votre démarche initiale, l’élément déclencheur de votre projet ?

E.D. Le déclencheur, c’est l’idée du jardin. J’ai découvert cet endroit en 1992 et j’ai ouvert Paradisio en 1994. En fait, un jardin est un carrefour entre deux sentiments tout à fait contradictoires. Que vous soyez né dans le désert ou dans la forêt tropicale, partout dans le monde existe le mythe identique de l’utérus, de l’endroit protégé, de l’âge d’or, du paradis… Mais quelqu’un commet une bêtise et l’on est chassé du paradis. Ce mythe est universel. Le jardin représente le carrefour entre cette nostalgie du paradis perdu et l’espérance – complètement débile – que nous, petits crapauds, sommes capables de reconstituer le paradis avec nos faibles moyens. Comment ? En attirant de la beauté, des oiseaux, des arbres, des plantes, de la poésie, de la peinture, etc. Tout ce que l’homme a de divin en lui, en définitive. C’est ça, Paradisio devenu Pairi Daiza. J’étais prêt à tout envoyer en l’air pour ce rêve éveillé qui consistait à créer un jardin me permettant de montrer des plantes, des arbres fabuleux, des animaux extraordinaires à des personnes pour qui la vie de tous les jours se résume à un écran de télévision, au chômage, à la peur, et au climat d’anxiété permanent dans lequel vivent les humains. Il est important qu’il y ait des personnes, comme vous, qui permettent cette évasion dans ce que les hommes ont de meilleur et qu’il y ait des créateurs de jardins. Le jardin est synonyme d’espérance, de réenchantement. C’est un lieu qui peut accueillir des chanteurs, des musiciens, des poètes, des sculpteurs, des jardiniers bien entendu.

P.B. Comment tout cela se présente ?

E.D. Mon boulot, c’est de transplanter des territoires. Je choisis un territoire qui me fascine et je prépare un voyage. Je pars après quelques mois de préparation et je cherche, sur place, le premier artisan. Il peut s’agir d’un sculpteur, d’un menuisier ou d’un charpentier. Cela se passe comme si vous tiriez sur la maille d’un pull : le premier artisan connaît forcément tous les autres sur le territoire.

P.B. Quel était votre premier territoire ?

E.D. Il s’agissait d’un jardin d’oiseaux, animal emblématique du paradis. Mais le premier jardin thématique que j’ai créé est né de mon amour pour la culture chinoise. D’ailleurs, il est considéré comme un des plus beaux jardins chinois du monde aujourd’hui, à l’intérieur comme en dehors de Chine ! Ce jardin constituait un très grand pari et un gros risque. On me disait : ” Eric, tes visiteurs se fichent totalement d’avoir un jardin chinois authentique créé par des artisans qui restaurent la Cité Interdite “. Ce jardin chinois était pour moi un moment fondateur du développement du parc, mais on me disait : ” Fais un faux jardin chinois avec des trucs achetés dans un Brico. Les gens n’y verront que du feu “.

P.B. Ah, ça je ne crois pas justement…

E.D. J’ai eu le courage de tenir bon, même si ce jardin a failli nous ruiner. Mais il a rencontré un succès colossal. Vous savez pourquoi ? Parce que les Chinois qui créaient ces jardins ne les créaient pas pour être de beaux jardins mais pour se déstresser, parce que, historiquement, ils étaient très bien payés mais leur tête tombait s’ils faisaient la moindre erreur. Si vous créez un faux jardin chinois ça ne marche pas, Patrick, ça ne fonctionne pas du tout. L’authenticité marche à tous les coups. Si vous faites un vrai jardin, vous masser les pieds de ceux qui marchent sur des galets posés sur la planche. C’est l’ancêtre de la réflexologie…

PB. Pardon, mais au fond à quoi ressemble un jardin chinois, parce que là, d’un coup, j’ai envie d’aller y poser les pieds et de faire de la réflexologie. ( rires)

E.D. Il y a un peu plus d’1 million et demi de galets qui ont été posés à la main sur la tranche…

P.B. Qui viennent d’où ?

E.D. De Chine

P.B. Où en Chine ?

E.D. De la ville de Suzhou, à 150 kilomètres de Shanghai.

P.B. Près de Gulin ?

E.D. Ah non, ce n’est pas tout près, mais Gulin c’est très beau aussi. J’ai un mini-Gulin dans le parc. Vous aimez la Chine ?

P.B. Je suis fasciné par la Chine. Pour le meilleur et pour le pire. Elle m’intéresse.

E.D. La culture chinoise me passionne moi aussi. D’ailleurs, pour faire référence à votre chanson Pas eu le temps ( qui traite du temps qui passe et de vieillir, Ndlr), il y a une différence fondamentale entre les préoccupations des Occidentaux et celles des Chinois. Les Occidentaux vivent dans le mythe désespérant de la prolongation de la jeunesse. Les Chinois, par contre, s’inscrivent dans une logique totalement opposée. Ce qui les intéresse c’est la prolongation de la vie. Pour eux, l’âge d’or c’est la vieillesse, celui de la sérénité, de la sagesse, de l’absence de stress parce que, de toute façon, ce qui doit arriver va arriver.

Vous le pensez également ?

E.D. Je ne voudrais pas revenir en arrière. Soixante ans est le bel âge, celui où l’on n’a plus le stress de devoir trouver son chemin. L’adolescence est un âge abominable et le début d’une carrière est un moment compliqué. L’immortalité pour les Chinois c’est vivre 100, 150 ans. Et nous, nous sommes assez bêtes pour vouloir éviter de vieillir, avec des crèmes…

P.B. Oui, mais j’avoue que moi, je suis jaloux de mes oliviers en Provence. J’en ai cinq qui ont 500 ans et ils donnent plus que ceux de 50 ans.

Pourquoi êtes-vous jaloux ?

P.B. Parce que j’aimerais avoir 500 ans.

Vous avez peur de vieillir ?

P.B. Il y a cette chanson sur l’album qui parle de ce sujet. Ce n’est pas que je ne veux pas vieillir, mais je veux voir mes enfants grandir et vivre le plus longtemps possible.

Je suis jaloux de mes oliviers en Provence. J’en ai cinq qui ont 500 ans et ils donnent plus que ceux de 50 ans.” Patrick Bruel

A propos d’oliviers… Nous n’avons pas encore évoqué le lancement de votre propre huile d’olive, l’Huile H. Comme Eric Domb, vous êtes un entrepreneur !

P.B. Chanteur-artiste et, à côté, entrepreneur. Oui. Entrepreneur parce que quand on possède 30 arbres au début et qu’on en a 3.000 à l’arrivée, qu’on fait une huile d’olive parce qu’on a voulu l’excellence, parce qu’on a rencontré les bonnes personnes, parce qu’on a travaillé comme des chiens et reporté d’un an le projet pour gagner en qualité et gagné deux fois la médaille d’or de la meilleure huile de Provence, Alpe, Cote d’Azur, et la médaille du concours agricole, oui, je crois qu’on est entrepreneur !

E.D. C’est un projet que vous aviez en vous depuis longtemps ?

P.B. Jamais ! J’avais des arbres. Je les aimais. Quand j’ai acheté ma propriété en Provence, j’avais 30 arbres… J’adore l’olivier pour tout ce qu’il représente.

E.D. C’est ça un entrepreneur : il n’a jamais pensé faire de l’huile d’olive et a commencé parce qu’il en avait dans sa propriété…

P.B. J’en ai planté pour en avoir plus et je suis arrivé à 50. On m’a dit que je pouvais avoir quelques litres d’huile avec cela. J’ai trouvé génial d’en produire pour la maison, pour les enfants. On l’a fait et les gens la trouvaient bonne. Du coup, quand les gens voulaient me faire des cadeaux, je demandais des arbres. J’ai commencé à avoir la passion. Puis, je suis tombé sur un type qui vendait la moitié de son exploitation. J’en suis arrivé à presque 1.800 arbres. Et on a décidé de commercialiser l’huile parce que tout le monde la trouvait bonne. Là, alors qu’on préparait le packaging et tous les aspects commerciaux, j’ai réuni autour de moi tous les gens compétents, parce que moi je n’y connaissais rien à ce moment-là. Tous la trouvaient ” rare “, ” excellente “, etc. Tout était prêt, on avait enregistré des commandes. Mais je leur ai dit : ” On arrête tout “. Parce que si l’huile était excellente alors qu’on n’avait juste rien fait, il fallait absolument qu’on bosse. Parce qu’au final, mon but n’est pas de vendre de l’huile d’olive. Je ne vais pas gagner ma vie en vendant de l’huile, évidemment. Ce que je veux c’est créer une marque, un truc joli. Je suis donc parti à la recherche du ” Zidane de l’huile d’olive ” en France. C’était une femme : Christine Cheylan.

E.D. Extraordinaire.

P.B. On a donc travaillé et, un an plus tard, on a sorti l’Huile H qui était devenue formidable. Nous avons travaillé avec cette femme qui nous a beaucoup aidés sur l’assemblage. Elle m’a sorti une huile extraordinaire à partir de mes olives, de mon terroir…

E.D. La recherche de la perfection.

Et quelles sont aujourd’hui vos ambitions avec vos olives ?

P.B. J’ai de grandes ambitions parce que l’huile d’olive a des qualités exceptionnelles. La feuille d’olivier aussi contient des polyphénols extrêmement salvateurs. Elle protège et elle soigne. Je vais recréer un modèle, quelque chose de dingue. Mais c’est trop tôt pour en dire plus. On pourra se revoir en temps utile quand il y aura de l’actualité.

Volontiers. L’actualité justement, c’est quelque chose que vous suivez tous les deux au quotidien ?

P.B. Absolument. Au quotidien. Je suis sans cesse branché sur l’actualité…

E.D. Là, je découvre une divergence car je ne lis plus les journaux et ne regarde plus la télévision. De toute façon, s’il y a une catastrophe, je le saurai très vite parce que toutes les personnes autour de moi sont hyper connectées. Ce qui me désespère, c’est que je n’ai aucune possibilité d’intervenir sur la majorité de ces événements. Et puis qui, dans la quotidienne, fait encore de l’information ? Qui met les faits en perspective ? Qui propose une grille d’analyse et développe l’esprit critique ?

P.B. Certainement pas les chaînes d’infos. Aujourd’hui, c’est la course à l’info, au scoop, à la vente parce que les journaux et les magazines meurent. On les remplace par du Kleenex. Même s’il y a cinq événements majeurs dans le monde, les médias vont se concentrer sur le petit scoop ou sur ce qu’un sportif ou artiste aura dit de travers au même moment. Aujourd’hui, on donne au public du fast-food et de la fast-news. En plus, on lit beaucoup moins : les séries sont géniales, mais totalement chronophages. Je n’ai pas pu lire de livre, par exemple, quand j’ai regardé Casa De Papel…

E.D. Je sais que ce n’est pas vendeur mais il faudrait promouvoir l’ennui. Les enfants aujourd’hui ne supportent pas un seul instant d’être inoccupés et de se poser la question de ce qu’ils vont faire. Ils ont peur de l’ennui alors que l’ennui est le terreau fondateur de la créativité. C’est indispensable !

P.B. Alors que moi j’aimerais le connaître, l’ennui… ( rires) Ce que vous dites est une réflexion absolument fondamentale. Je suis quelqu’un qui n’a jamais connu l’ennui. Je ne sais pas ce que cela veut dire, je ne connais pas ce sentiment. Mais j’ai envie de le connaître.

E.D. Vous avez toujours été comme cela ?

P.B. Toujours.

E.D. Moi, je suis comme vous aujourd’hui. Mais je n’ai pas toujours été comme ça : quand j’étais petit, à la maison, je devais créer mes propres jeux, mon monde.

P.B. Mais bien sûr, vous avez raison. Bien sûr que j’ai été comme vous. J’habitais tout seul, je n’avais pas d’amis. Ma mère est arrivée d’Algérie, elle a été nommée institutrice à Argenteuil et nous habitions dans l’école. Le samedi et le dimanche, j’étais tout seul dans l’école. Ce que je faisais ? Des jeux de rôles. Les boîtes de craie étaient mes trésors, les salles de classe étaient des cabanes. J’ai grandi avec un univers que je me suis fabriqué. Mais aujourd’hui, je ne sais plus ce qu’est l’ennui.

Eric Domb

Entrepreneuriat, prise de risque, excellence et huile d'olive: Trends-Tendances a réuni Eric Domb et Patrick Bruel
© Frédéric Sierakowski (Isopix)

58 ans. Entrepreneur, fondateur du parc Pairi Daiza.

Après un diplôme en droit décroché à l’UCL, il intègre le groupe Coopers & Lybrand, puis fonde une société de conseil financier aux PME. En 1994, il crée Paradisio rebaptisé, en 2010, Pairi Daiza.

Le parc présente plus de 5.000 animaux de 470 espèces sur 65 hectares. Après une introduction en Bourse en 2000, Eric Domb s’associe avec Marc Coucke, en 2015, pour sortir le parc de la Bourse.

Pairi Daiza est, entre autres, connu pour son jardin chinois et ses pandas.

Patrick Bruel

Entrepreneuriat, prise de risque, excellence et huile d'olive: Trends-Tendances a réuni Eric Domb et Patrick Bruel
© Frédéric Sierakowski (Isopix)

59 ans. Chanteur et acteur français.

Premier rôle au cinéma en 1979 dans Le Coup de sirocco avec Marthe Villalonga et Roger Hanin. Au total, il a joué dans plus de 40 films.

Dix albums studio au cours de sa carrière et un paquet de hits. Son nouvel album, Ce soir on sort, est sorti en novembre. Premier single : Tout recommencer.

Il sera en concert à Forest National les 28 février (complet), 15 mai (complet) et 16 mai 2019.

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