Footgate: pour Luc Misson, “La vraie révolution serait de dire que les joueurs appartiennent à eux-mêmes “

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Dans le scandale qui touche aujourd’hui le monde du football belge, le marché des transferts et la profession d’agents de joueurs sont sur la sellette. L’éclairage de l’avocat Luc Misson sur ce dossier complexe.

Est-il concevable de réguler, en Belgique, le marché des transferts des joueurs de football ?

Oui et je l’appelle de tous mes voeux. Ce serait d’autant plus simple que, en général, c’est le législateur national qui régule le droit du travail pour n’importe quel catégorie de travailleur. C’est lui qui fixe toute la matière des indemnités de ruptures des contrats de travail. Si je veux me séparer de ma secrétaire, je vais voir dans la loi ce que je peux faire et quels délais de préavis je dois donner. C’est le système qui est en vigueur dans tous les pays civilisés. Le législateur pourrait donc prendre en main cette catégorie de travailleurs et fixer notamment les indemnités de rupture de contrat qui atteignent, aujourd’hui, des montants complètement déraisonnables chez les joueurs de football.

N’importe qui peut devenir aujourd’hui agent de joueurs. L’Union belge ne pourrait-elle pas imposer un accès plus strict à la profession pour assainir le monde du football ?

Il faudrait surtout que ce contrôle de la profession soit dans les mains des autorités publiques et non pas des fédérations et des clubs. De toute façon, l’Union belge ne peut pas imposer un accès à la profession. Elle n’a pas de pouvoir législatif. L’organisation des professions est une compétence des autorités publiques. On le fait pour tous les métiers. Pourquoi les agents de joueurs échapperaient-ils à ça ? Aujourd’hui, ils y échappent parce qu’ils se sont érigés en caste et qu’ils font croire aux dirigeants de clubs qu’ils peuvent leur apporter la perle rare en travaillant sans contrainte. Les agents sont redoutablement habiles pour capter des confiances et parfois payer des fidélités…

Mais avec le scandale qui vient d’éclater, les choses ne vont-elles pas enfin bouger ? Certains députés ne vont-ils déposer un projet de loi dans ce sens ?

Oui, tout à fait, on peut l’imaginer. Mais croyez-moi bien que le monde du sport a des relais puissants dans les travées parlementaires ! Les jours de matchs, les hommes politiques sont nombreux dans les tribunes des stades et je pense que les agents de joueurs peuvent aussi exercer un lobbying pour qu’une telle loi ne soit pas votée. Je ne suis pas pessimiste. Je suis réaliste. La vraie révolution serait de dire que les joueurs appartiennent à eux-mêmes. Dans ce cas, les agents ne seraient plus que de simples conseillers que les joueurs paieraient pour leurs services. Moi, j’ai beaucoup espéré du syndicalisme sportif, mais les combats menés ont fortement diminué d’intensité. Aujourd’hui, il faudrait revenir à des mouvements de grève chez les joueurs pour faire bouger les choses et pour que ceux-ci obtiennent enfin le droit de gérer leur carrière eux-mêmes. Mais cela ne va pas être simple car les intérêts en jeu sont colossaux.

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